Philémon, Xavier et César : des maraudes en famille

C’est sans doute de son éducation et des valeurs qui lui ont été transmises que Philémon est sensible aux inégalités et à la solidarité. Bénévole régulier aux maraudes depuis 2018, c’est avec son père et son frère qu’il a décidé de partager ces moments, en plus des bénéficiaires. Tous trois nous parlent de leur vécu.

Cela fait bien des années maintenant que Philémon connaît La Chorba.

Sa première expérience en tant que bénévole remonte à 2014, alors étudiant à l’école Polytechnique. Il participe de manière occasionnelle à quelques maraudes à l’époque, suffisamment pour comprendre le fonctionnement de l’association, et voir l’importance accordée à l’échange humain. Mais c’est à la nuit de la Saint-Sylvestre en 2017, qu’il décide de se réinvestir dans le milieu associatif, cette fois-ci, de manière plus régulière.
Pendant que ses proches fêtent le Nouvel An, c’est avec Nicolas – maraudeur expérimenté à La Chorba – que Philémon sillonne les rues de Paris pour aller à la rencontre des personnes sans-abri. « A l’occasion des fêtes, une boîte de chocolats leur avait été distribuée par la Mairie de Paris. J’ai le souvenir, lors de cette maraude, qu’une personne n’avait pas ouvert la sienne et nous l’avait offerte. C’est quelque chose qui m’avait marqué. J’ai été habitué à être sollicité, et non le contraire : voir la générosité des personnes à la rue. Alors que maintenant, je sais que ça arrive très souvent, elles partagent ce qu’elles ont ».

 

En tant que parisien, il a toujours vu des personnes à la rue et dit vivre avec au quotidien, mais c’est en devenant maraudeur qu’il a appris à mieux les comprendre et surtout à mieux connaître le monde dans lequel il vit. Autour d’une soupe ou d’un café, c’est rencontrer des personnes, partager des histoires, c’est une attention particulière et des moments intenses. C’est notamment pour cela qu’il a voulu faire découvrir cela à son père et son frère.
L’occasion s’est naturellement présentée à eux au départ : par manque de bénévoles ayant incité Xavier à se porter volontaire, ou comme une excuse pour sortir durant le confinement pour César. Et pourtant, après cette première expérience, tous deux ont fini par revenir.

Xavier, 56 ans, ingénieur agronome, soucieux de l’environnement – le papa.

Si Xavier avait déjà écho de ce que faisait Philémon, c’est durant l’été 2020 qu’il réalise de quoi il s’agit, en vivant sa première expérience « terrain ». Confiant grâce au vécu de son fils, c’est avec surprise et plaisir que se déroule la maraude. L’échange se fait naturellement avec les bénéficiaires, nombreux sont contents de les voir et de rencontrer « le père de Philémon ».

« Il y avait cette personne devant un monoprix, enjouée de nous voir, et je n’étais pas prêt à ça. On a rigolé une bonne dizaine de minutes, au final il n’avait pas vraiment besoin d’aide alimentaire mais plus d’un échange amical. C’est ce que j’ai ressenti durant cette maraude, et les autres que j’ai pu faire. Un esprit amical et chaleureux, on crée des liens, c’est comme un rendez-vous à chaque fois qu’on les revoit ».

César, 24 ans, économiste, fan de musique et de cinéma – le frère.

À la différence de son père, César a déjà eu l’occasion de participer à une distribution de repas pour aider les personnes réfugiées à la rue. C’était donc avec des questionnements et de la curiosité qu’il accompagne Philemon marauder, lors du confinement.

Marqué par la diversité des histoires et la chaleur des personnes rencontrées, il fait le même constat que Xavier : un besoin de discuter. Et lui aussi, prend plaisir à les revoir et prendre de leurs nouvelles, et souvent attend d’en retrouver certains lors des maraudes.
« Les maraudes, c’est pas noir ou blanc, triste ou drôle. C’est un mélange de tout. Il y a une personne que l’on rencontre chaque semaine, on l’appelle le roi du jeu de mots. C’est un homme vif d’esprit, toujours de bonne humeur et attentif à l’autre, qui fait de cette maraude un moment vraiment chaleureux. Au contraire, il y a parfois des moments touchants. Je me souviens en avril 2021, lorsque nous avons appris le décès de 3 personnes que nous connaissons en l’espace de quelques semaines. La violence de la réalité nous rattrape et frappe alors durement. On passe des bons moments avec les personnes, qui arrivent à cacher la triste situation » – Philémon.
Si chacun vit cette expérience à sa manière, il en ressort un point commun : le respect et la considération, et le contact humain. Après une journée de travail, marauder est quelque chose d’exigeant physiquement, mais aussi moralement. Cela demande du temps, de l’engagement, de l’attention et de l’énergie, mais comme le dit Xavier, on reçoit énormément en retour. Tous trois – Philémon, Xavier et César, nous disent rencontrer peu de personnes en nombre lors des maraudes, mais à chaque fois, beaucoup de temps est accordé à chacun, pour discuter et maintenir ce lien qu’ils ont établi.