Mohammed : la valeur du travail et le respect de l’autre

Au chantier d’insertion depuis 2019, Mohammed a toujours eu conscience de la valeur du travail, et de l’importance de travailler durement.
Ayant grandi à Khouribga, au Maroc, c’est au décès de son père qu’il endosse les responsabilités familiales et arrête ses études pour subvenir aux besoins des siens. Alors âgé de 17 ans, il devient standardiste à la cité universitaire de Rabat où il prouve son aisance relationnelle, qui se confirme quelques mois plus tard, lorsqu’il devient chauffeur de taxi. C’est à ce moment-là que sa vie prend une autre tournure : au cours d’un accident de voiture, il perd un bras, à vie. Une blessure qui ne l’empêchera pourtant jamais de travailler.
Au contraire, ce père de trois enfants décide de quitter le Maroc pour Paris en 2012, afin de leur assurer un avenir plus stable et confortable. « Au Maroc, on a tout. La famille, une maison, à manger, l’éducation. Mais c’est pour mes deux fils et ma fille que j’ai décidé de venir à Paris, pour travailler encore plus et faire en sorte qu’ils aient une meilleure vie ». Le dur labeur reprend alors, et Mohammed devient réceptionniste dans un hôtel parisien.
Le soir, il rentre dans son appartement de la Porte de la Villette et prend rapidement connaissance de ce qu’il se passe dans le quartier et les associations présentes pour aider les personnes dans le besoin. C’est à ce moment qu’il entend parler de La Chorba. Il devient bénévole et participe aux distributions de repas avant d’intégrer le chantier d’insertion en octobre 2019, souhaitant développer ses compétences et en apprendre plus au sein d’une nouvelle structure.
Mais surtout car il s’est senti proche des valeurs de La Chorba, qu’il partage, que Mohammed a décidé de devenir salarié en insertion à nos côtés. On le croise ainsi à La Chorba avec les autres salariés en insertion, en début d’après-midi, pour aider à la préparation de la distribution. Mais c’est surtout sur le terrain qu’il se sent le plus à l’aise et utile, avec une petite nostalgie de ses premières années de travail au Maroc. 
« A Rabat, quand j’étais standardiste, je servais déjà les repas aux étudiants. Je voulais que tout se passe bien, qu’ils se nourrissent correctement et ne pensent qu’à leurs études. Je les encourageais, comme le font les parents. Quand je suis à la distribution à la Porte de la Villette, je vois souvent des jeunes garçons et je les vois comme des fils qu’il faut soutenir ».
Aujourd’hui âgé de 57 ans, et proche de ses enfants, c’est sans doute la raison pour laquelle Mohammed se montre paternel, mais surtout très sage. Comme il le dit, la réalité frappe souvent sans que l’on s’en aperçoive directement, et c’est pour cela qu’il trouve important de faire venir ses fils à la distribution pour qu’ils participent et prennent conscience de la précarité qui peut exister, et de ce qu’il peut être fait pour lutter contre cette misère. Mais au-delà de ça, il partage cette sagesse avec les bénéficiaires, lorsque des tensions arrivent. Pour lui, il est important de se mettre à la place de l’autre pour mieux le comprendre, user des justes mots et apaiser les esprits. Dès lors qu’il accorde cette importance au lien social, une relation de confiance et respect se crée, dont découle une reconnaissance gratifiante. Un lien social qui pour lui est essentiel dans la vie de tous les jours, tant en s’entourant de « bonnes personnes » qu’en prenant des nouvelles des uns et autres, car « la vie sans contact humain, ce n’est rien ». C’est notamment la raison pour laquelle il aime être à La Chorba. Il y retrouve « une chaleur humaine », il a le souvenir de passer de bons moments, avec les bénévoles et les bénéficiaires, les salariés, toujours dans une bonne ambiance. Avenant, serviable et toujours énergétique, il reste optimiste quant au futur. Son contrat à La Chorba arrivant à terme, c’est au contact des autres, comme il a pu le faire par le passé, que Mohammed souhaite poursuivre son parcours professionnel.

« Quand je vais à la Villette, j’aime beaucoup discuter avec les bénéficiaires, et si besoin calmer le jeu quand le ton commence à monter. Beaucoup sont déboussolés, ils ont des problèmes, des besoins, ne savent pas où ils vont dormir le soir ou ce qu’il en sera du lendemain, on doit se mettre à leur place pour les comprendre. C’est pour ça, quand ils viennent, je veux qu’ils se posent, mangent à leur faim et se sentent bien ».